Une application pour faciliter la vie des travailleurs frontaliers
Créée par un travailleur frontalier belge, fiscaliste au Luxembourg, l'application Borders permet, entre autres, aux utilisateurs de justifier leur présence au Grand-Duché en cas de contrôle fiscal. Une initiative qui arrive à point nommé.
Depuis le mois de juillet dernier et la fin des accords bilatéraux, le télétravail est désormais limité. © PHOTO: Getty Images
Un contrôle fiscal, la hantise de bon nombre de travailleurs frontaliers au Luxembourg. Si les quotas de jours de télétravail autorisés ont récemment été augmentés en France et en Belgique, pour atteindre désormais 34 jours, reste que ceux-ci ne doivent pas être dépassés, au risque de se voir imposer son activité au Grand-Duché dans son pays de résidence. Un contrôle fiscal est en effet souvent synonyme de crainte pour les travailleurs frontaliers amenés à prouver que ceux-ci n'ont pas dépassé les seuils autorisés.
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La question est: comment peuvent-ils prouver leur présence au Luxembourg? Tickets de restaurant, souches de parking, billets de transport, extraits bancaires, preuves de «badgeage», etc. Face à des contrôleurs un poil tatillon, l'ensemble de ces pièces ne suffit parfois tout simplement pas et le frontalier en question risque une lourde amende administrative et/ou des accroissements d'impôt.
Un système contraignant donc, et le mot est faible. Et si une application créée par un travailleur frontalier belge venait à révolutionner tout cela? En effet, depuis le début de l'année, l'application «Borders» est disponible sur les smartphones iOS et Android. Celle-ci promet à ses utilisateurs «un outil puissant pour justifier vos déplacements professionnels ou privés personnels» pour «une fiscalité plus simple en toute sérénité». Une petite révolution que l'on doit à Thierry Derochette, un travailleur frontalier belge, fiscaliste depuis une vingtaine d'années au Luxembourg.
Un système de justification imparfait
Voilà déjà plusieurs années, bien avant la pandémie de covid-19 et le télétravail illimité qui en a découlé, que le Belge réfléchissait à ce projet. «De par mon travail, j'ai été confronté à plusieurs reprises à des fonctionnaires de l'administration fiscale plutôt bornés et tatillons. Certes, il est possible de se justifier via bon nombre de documents comme le badgeage. Néanmoins, ce qui m'embêtait, c'est que ce système reposait notamment beaucoup sur la relation que l'employé a vis-à-vis de son employeur. Imaginons qu'un employé parte en mauvais termes avec son ancien employeur, un ou deux ans plus tard, l'administration fiscale frappe à sa porte. Est-ce que l'ancien employeur sera enclin à délivrer ces documents?».
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Thierry s'est donc attelé à la tâche avec pour objectif de permettre enfin aux travailleurs frontaliers belges, mais aussi français et allemands, de bénéficier d'un système performant et incontestable auprès des administrations fiscales. «Il y a eu un gros travail en amont pour tester toutes les fonctionnalités, mettre en place le GPS, respecter toutes les mesures de sécurité et de vie privée, etc.», détaille le fiscaliste.
Concrètement, l'application propose une multitude de services tous plus utiles les uns que les autres. À commencer par un pointage automatique de la localisation ainsi qu'un suivi journalier des déplacements, permettant donc d'attester de sa présence sur son lieu de travail. «Attention toutefois, il ne s'agit pas ici de tracer en permanence l'utilisateur. En réalité, c'est ce dernier qui décide manuellement lorsqu'il souhaite que sa position soit enregistrée. Par exemple, en quittant son domicile, le travailleur peut lancer le pointage, puis l'arrêter une fois qu'il est arrivé à son bureau. L'application propose également des créneaux d'enregistrement automatique de la position pour une certaine durée et qui sont paramétrables. C'est pratique pour les personnes qui ont des horaires réguliers.»
Un stockage complet des dépenses
Mais ce n'est pas tout, Borders propose également un stockage des dépenses ainsi qu'une analyse complète des activités des utilisateurs. «Cela permet d'y stocker tous les justificatifs comme les tickets de parking ou encore les souches de restaurants qui permettent d'étayer le dossier fiscal. L'analyse des activités permet ensuite de classer ces justificatifs.»
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Un module concernant le télétravail est également implanté et permet de compter le nombre de jours restants aux utilisateurs selon leur pays de résidence. «Enfin, le module nommé «carnet de bord» permet d'enregistrer les trajets ainsi que le nombre de kilomètres effectués par des indépendants ou des salariés. Cela peut se révéler utile dans le cadre des notes de frais. Ce service s'adresse d'ailleurs à tout le monde, pas qu'aux frontaliers», souligne Thierry Derochette.
© PHOTO: Visuel: Borders
Un module concernant le télétravail est également implanté et permet de compter le nombre de jours restants aux utilisateurs selon leur pays de résidence. «Enfin, le module nommé «carnet de bord» permet d'enregistrer les trajets ainsi que le nombre de kilomètres effectués par des indépendants ou des salariés. Cela peut se révéler utile dans le cadre des notes de frais. Ce service s'adresse d'ailleurs à tout le monde, pas qu'aux frontaliers», souligne Thierry Derochette.
Bref, une application vraiment complète qui aurait tout à gagner à se faire «reconnaître» par les administrations fiscales concernées. «Ce n'est pas faute d'avoir essayé auprès du fisc belge», assure le fondateur de Borders. «Je n'ai malheureusement pas eu les réponses que j'espérais. Entre les lignes, on m'a fait comprendre que l'application ne pouvait être validée car cela reviendrait à faire le travail des contrôleurs», explique-t-il.
Des justificatifs incontestables
Ce dernier assure une nouvelle fois que les données Borders sont totalement légitimes et incontestables en cas de contrôle fiscal. «Si je ne parviens pas à faire reconnaître Borders auprès de l'administration fiscale belge, j'aimerais connaître, via une question parlementaire, quelles seraient les conditions nécessaires pour qu'une telle application soit considérée comme «acceptable». J'ose espérer une réponse du ministre des Finances dans un futur proche».
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Depuis le mois de juillet dernier et la fin des accords bilatéraux, le télétravail est désormais limité. Au grand dam des frontaliers désormais habitués à concilier plus facilement vie professionnelle et vie privée. Pourtant, l'administration fiscale, quant à elle, a recommencé les contrôles sur les chapeaux de roue et ce, dès la fin de ces mêmes accords.
Et quid des retours sur Borders depuis son lancement? «Que ce soit sur iOS et sur Android, on sent que cela commence à prendre. Je me rends compte que l'application peut être assez complexe. Je suis donc déjà en train de penser à la seconde version afin de la simplifier au maximum.»
Question prix, comptez 4,99€ par mois pour un abonnement mensuel. «Il existe également une version professionnelle, comprenant donc le module «carnet de bord», au prix mensuel de 7,99€».
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