«Voir cette crise comme une leçon»
François Bausch (Déi Gréng), ministre de la Défense, de la Mobilité et de la Sécurité intérieure revient sur l’état de crise et les enseignements à en tirer pour l’avenir.
Pour François Bausch, cette crise montre l'importance de réfléchir à long terme sur les questions du climat. Et pas seulement sous la pression de la jeunesse. © PHOTO: LW
(ASdN avec Marc Hoscheid) - Dans un entretien accordé à nos confrères du Luxemburger Wort, François Bausch (déi gréng) évoque le confinement et ses conséquences, mais également l’impact de la pandémie sur les transports et la politique verte.
Le Luxembourg est en état d'urgence depuis trois semaines et des restrictions s'appliquent. Les résidents respectent-ils le confinement?
François Bausch : «D'une manière générale, les citoyens sont disciplinés, et je tiens à en remercier l’ensemble de la population. Bien sûr, il y a toujours des exceptions. La police me signale que certains cafés ouvrent encore secrètement et les clients entrent par la porte arrière. Ce n'est pas responsable, nous devons remettre de l’ordre à tout ça. Cela nous permettra de sortir de la crise plus rapidement et en meilleure santé.
Combien d’avertissements taxés ont été émis jusqu'à présent?
«La police a effectué des centaines de contrôles et restera très présente sur le terrain. En moyenne, entre 30 et 40 amendes par jour ont été distribuées, car certaines personnes continuent malheureusement de se réunir en groupe. 15 à 20 commerces ont également été sévèrement punis.
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La majorité de la population fait preuve de solidarité mais il y a toujours des gens qui pensent que les règles ne s'appliquent pas à eux et qu'ils ne peuvent pas tomber malades.
Plus la situation dure, plus elle devient tendue. Des policiers ont-ils dû subir des violences ou des crachats, comme cela s'est produit à l'étranger ?
«Aucun incident grave n’a été rapporté pour le moment. Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas maintenir cette situation éternellement, car elle conduit à des dommages collatéraux. Nous sommes dans un état d'exception qui ne correspond pas à ma vision de la démocratie. Ce n'est pas non plus facile pour les policiers, car ils doivent faire preuve de beaucoup de tact.
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Dans d'autres pays, comme en Italie, des règles beaucoup plus strictes s'appliquent. La police luxembourgeoise aurait-elle la capacité d’imposer une interdiction totale de sortir?
«L'armée est également impliquée dans le maintien de l'ordre en Italie. C'est bien sûr une situation très stressante, mais la situation sanitaire y est également effrayante. Heureusement, les chiffres de mortalité baissent massivement et j'espère que les règles pourront être bientôt à nouveau assouplies. Il faut faire attention à ce que les dommages collatéraux ne soient pas supérieurs aux dommages réels causés par le virus. Il s'agit toujours d'un compromis entre les avantages et les inconvénients des mesures.
Qu'en est-il des contrôles aux frontières?
«Nous avons trouvé des accords avec les pays voisins afin que les frontaliers puissent continuer à travailler. Nous n'effectuons aucun contrôle nous-mêmes, mais nous aidons les autorités étrangères à faire en sorte que cela se déroule le mieux possible. Il y a un contrôle strict du côté allemand et français, et je peux comprendre cela en partie. Au début de la crise, il y avait encore du tourisme à la pompe au Luxembourg, ce qui occasionnait des déplacements superflus. Mais dans l'ensemble, cela fonctionne relativement bien, compte tenu des circonstances.
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L'usage du tracking pour suivre les données de téléphonie mobile des personnes infectées serait-il possible au Luxembourg?
«Nous ne l'avons pas fait jusqu'à présent et nous n'en avons pas discuté au sein du gouvernement. Je suis personnellement très réservé à ce sujet. Nous devons toujours garder en tête la question de la proportionnalité des choses. Jusqu'où pouvons-nous sacrifier la primauté du droit et le respect de la vie privée? En Chine, cela va très loin, car l'Etat décide de tout. Il est bien sûr tout de même possible de discuter de cette option, mais l'utilisation des données anonymisées doit être adaptée au problème.
Le transport individuel a fortement diminué ces dernières semaines. Le virus a-t-il eu plus d'effet sur la circulation en un mois que Déi Gréng en sept ans au gouvernement?
«Si j'interdis aux gens de conduire, ils arrêteront de conduire. Je ne pense pas que ce soit la voie à suivre. Mais nous devons nous poser des questions pour l'avenir. Nous sommes davantage conscients de notre consommation pendant cette crise et nous évitons les déplacements inutiles. Les entreprises et les consommateurs doivent donc remettre en question leurs habitudes.
Avant la crise, les questions autour de la lutte contre le changement climatique dominaient l'agenda politique. Cette influence verte continuera-t-elle après la pandémie?
«Oui, plus que jamais. Car cette crise est comme un miroir et nous montre ce qui se passe lorsque notre train de vie devient intenable. La planète ne craint pas un climat extrême, mais nous, humains, avons besoin d'un certain climat et d'une certaine quantité d'oxygène pour que notre organisme fonctionne. Nous devrions voir cette crise comme une leçon de ce qui se passe si nous ne réfléchissons pas et n'agissons pas à long terme. Même si la crise du coronavirus est dramatique, nous avons encore des moyens de la résoudre. Si le climat changeait, nous ne pourrions prendre que des mesures de protection dramatiques.
Jusqu'à présent, les jeunes accusaient les autres générations de compromettre leur avenir. Le ton du débat sur le climat va-t-il changer?
«Je pense que oui. Cette crise nous montre que l'homme est un être social et ne peut survivre qu'en tant que tel. Pour ce faire, nous devons être solidaires à travers les générations. L'égoïsme a reçu un coup, et c'est une bonne chose.»