«L'incertitude est actuellement la pire des choses»
En raison de la pandémie, Bob Jungels ne sait pas de quoi la suite de sa saison de cycliste professionnel sera faite. L'un des fers de lance de l'équipe Deceuninck-Quick Step revient sur le dernier Paris - Nice, il nous raconte son quotidien et nous livre ses craintes.
En fin de contrat avec son équipe, Bob Jungels ne s'en inquiète pas trop. Le coureur luxembourgeois est davantage préoccupé par la pandémie de coronavirus. © PHOTO: Serge Waldbillig
(DH avec Joe Geimer) - Bob Jungels, à l'heure actuelle la question est banale mais se pose plus que jamais: comment allez-vous?
Bob Jungels - «Tout va bien jusqu'à présent. Je fais comme tout le monde, car rester à la maison est la chose la plus importante pour minimiser le risque d'infection et, surtout, le risque de propagation du virus. La pire chose à l'heure actuelle n'est pas l'isolement mais l'incertitude. Personne ne sait ce qui va se passer par la suite.
Dans de telles circonstances, comment s'entraîne un athlète professionnel?
Je fais actuellement une pause, c'est ce que j'avais prévu de faire après la classique Paris - Roubaix (qui devait avoir lieu le 12 avril). Je me suis accordé une semaine de repos et je vais recommencer l'entraînement dans les prochains jours. Je roulerai en extérieur. C'est une chance de vivre au Luxembourg, car nous pouvons encore nous retrouver en pleine nature. Ensuite, je reprendrai avec mon équipe, mais objectifs précis en tête. Il s'agit simplement de ne pas perdre complètement la forme, de se dérouiller ses jambes.
Le sport n'est qu’accessoire pour le moment
A quelle période les courses cyclistes pourraient-elles reprendre?
Il est impossible de faire de prévisions. De nombreux scénarios sont possibles. Nous discutons également de la poursuite de la saison au sein de l'équipe. Mais ce n'est pas entre nos mains. Je peux m'imaginer recommencer la compétition une semaine ou deux avant le Tour de France (27 juin au 19 juillet). Mais qui sait? Cela n'a presque pas d'importance. Nous devons tous prendre soin de notre santé et de celle de nos proches. Le sport n'est qu’accessoire pour le moment.
Croyez-vous que le départ du Tour de France puisse être donné?
Je sais seulement que le cyclisme, c'est aussi beaucoup d'argent et que le Tour de France est la plus grande course au monde. Les sponsors vivent de leur visibilité. Ce n'est pas le cas actuellement. Cela pourrait entraîner des goulots d'étranglement financiers critiques à la fin de la saison. De plus, le Tour de France apparaît comme la vache à lait d'ASO (Amaury Sport Organisation). Il lui garantit sa rentabilité.
Il aurait été ridicule de se rendre à Nice le dimanche
En parlant d'ASO, Paris-Nice s'est poursuivie jusqu'à samedi dernier. Vous y étiez. Comment c'était?
La situation était loin d'être idéale. Au début, il semblait logique de donner le départ de la course. Cependant, elle est rapidement devenue une compétition aux conditions particulières, de par le fait aussi qu'il y avait très peu de spectateurs au bord de la route. Progressivement, les rumeurs d'une fin de course anticipée sont devenues de plus en plus fortes. Il était donc logique que les organisateurs annulent la dernière étape. Il aurait été ridicule de se rendre à Nice le dimanche. Dans tous les cas, il faut se demander s'il était logique de rouler gaiement à travers la France, alors que presque toutes les manifestations étaient annulées.
Vous êtes-vous senti en sécurité?
Oui, absolument. Nous avions affaire aux mêmes personnes tous les jours et nous n'avons jamais été en contact avec des personnes extérieures à la course. Mais quand même: j'ai ressenti une sensation de malaise. On n'est jamais sûr à 100%.
Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre performance sportive sur ce Paris-Nice?
J'ai beaucoup travaillé. Au début, j'ai un peu souffert des conditions météorologiques. Mais je suis complètement satisfait de ma performance dans le contre-la-montre individuel (12e). Et les choses se sont passées de mieux en mieux. Ma quatrième place sur l'avant-dernière étape m'a apporté beaucoup de confiance. Toutefois, je dois reconnaître que certains coureurs étaient déjà en meilleure forme.
Votre contrat expire à la fin de l'année. Etes-vous inquiet?
Bien sûr, la situation actuelle influence mon avenir. Je ne peux pas montrer ce que je vaux en avril, sur les classiques. Et si je ne me mets pas en lumière, personne ne me remarquera. Il y a des situations plus confortables, mais je ne panique pas car j'ai un certain statut dans le peloton. Tout le monde, en particulier mon employeur Deceuninck-Quick Step, sait ce que je peux faire et dans quels domaines se situent mes qualités. Je ne m'inquiète donc pas trop.»