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Le Bayern est-il victime d'une Bundesliga trop faible?

L'affaiblissement progressif de la Bundesliga, sujet brûlant en Allemagne, handicape aussi le Bayern Munich, qui n'a pas d'adversaires à sa taille pour se préparer aux joutes européennes au plus haut niveau.

Pillé par le Barça et Arsenal, Dortmund peine à suivre le rythme.

Pillé par le Barça et Arsenal, Dortmund peine à suivre le rythme. © PHOTO: AFP

(AFP) - «D'ici avril, le Bayern va manquer de défis», s'inquiète lundi le magazine du football Kicker: «Comment maintenir la pression dans le groupe? Pas facile, alors que le sixième titre de champion consécutif est quasiment dans la poche, et qu'il n'y a aucune semaine à deux matches en mars, en dehors du match retour à Istanbul» en Ligue des champions contre Besiktas, en principe une formalité après la victoire 5-0 à l'aller.

Samedi, le Bayern a concédé un match nul 0-0 à domicile au Hertha Berlin en championnat. Sans aucune conséquence, puisque les Bavarois comptaient 19 points d'avance sur leur dauphin Dortmund avant cette 24e journée.

«Quand on a autant de marge, on manque un peu de mordant», déplore l'ancienne gloire du Bayern Dieter Hoeness (frère du président Uli Hoeness): «Cette avance énorme est un problème pour la Bundesliga, mais aussi pour le Bayern».

Au fil des saisons, l'écart semble se creuser entre le «Rekordmeister» et les autres. Cette année, les Munichois sont les seuls Allemands en huitièmes de finale de la compétition reine. Dortmund et Leipzig jouent l'Europa League.

Hoffenheim, quatrième du championnat en 2016/2017, a volé en éclats contre Liverpool au tour préliminaire de la Ligue des champions, avant d'être éliminé en phase de poule de l'Europa League.

«Nous allons droit dans le mur»

«Ce que nous avons vu dans les compétitions européennes n'est que le début. Nous allons droit dans le mur», met en garde l'ex-international Mehmet Scholl, consultant redouté pour son franc-parler, qui met notamment en cause la formation des jeunes en Allemagne.

Paradoxalement, le Bayern est partiellement responsable de cette baisse de niveau. Depuis un an seulement, cinq néo-internationaux (Rudy, Süle, Wagner, Goretzka et Gnabry, actuellement prêté à Hoffenheim) ont été arrachés à leurs clubs d'origine et attirés à Munich. Les Bavarois procèdent ainsi depuis des années, privant leurs rivaux de leurs meilleurs éléments saison après saison.

C'est cependant dans les livres de compte qu'il faut chercher les vraies raisons de la crise. Avec ses règles de gestion vertueuses, la Bundesliga a perdu le contact avec les géants européens financés généreusement par des oligarques russes, le Qatar ou des investisseurs chinois ou américains.

Dortmund s'est fait arracher en six mois ses deux meilleurs attaquants Ousmane Dembélé, parti à Barcelone pour 105 millions, et Pierre-Emerick Aubameyang, recruté par Arsenal pour 64 millions.

Dans le même temps, le plus gros achat de la Bundesliga a été Corentin Tolisso, arrivé au Bayern pour 47,5 millions. Hors Munich, le transfert record cette saison a été celui de Yarmolenko à Dortmund, pour 25 millions. Très, très loin de la valse des étiquettes records au PSG, en Espagne, et surtout de la richissime Premier League.

Ouverture aux investisseurs

«Cela doit être un signal d'alarme, lorsqu'on voit que les grands clubs anglais nous envoient leurs jeunes joueurs en Bundesliga, parce qu'ils n'ont pas leur place en Premier League», lance l'ancien sélectionneur national Berti Vogts: «Reece Oxford ne jouait pas à West Ham, et à Mönchengladbach c'est un titulaire indiscutable. Chelsea a juste prêté Batshuayi à Dortmund, et d'un seul coup il devient une des vedettes de la Bundesliga!»

Pour tenter de combler le fossé, la Ligue allemande (DFL) s'apprête à provoquer une mini-révolution en démantelant, sans doute d'ici à la fin de l'année, la sacro-sainte règle dite du «50+1», qui interdit à un investisseur d'acquérir plus de la moitié des parts d'un club professionnel.

«Si nous voulons être compétitifs, il nous faut accepter jusqu'à un certain point les règles du jeu économique», a lancé le patron de la DFL Christian Seifert, qui rêve de reconstituer en Bundesliga une élite de quelques clubs qui tiendraient le choc en Europe sur le long terme. Et à l'occasion serviraient de sparring-partners acceptables pour le Bayern.

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