Virgule
Inès Lagdiri-Nastasi

«On n’a pas besoin de me dire les choses trois fois»

Inès Lagdiri-Nastasi est l’épouse de l’ancien joueur de tennis franco-luxembourgeois Ugo Nastasi et la voix du tennis à France Télévisions.

A France Télévisions, Inès Lagdiri-Nastasi, l’épouse de l’ancien joueur de tennis franco-luxembourgeois Ugo Nastasi, commente le tennis.

A France Télévisions, Inès Lagdiri-Nastasi, l’épouse de l’ancien joueur de tennis franco-luxembourgeois Ugo Nastasi, commente le tennis. © PHOTO: privé

Interview: Christophe Nadin

Elle est entrée sur la pointe des pieds, sans tambour ni trompette et a creusé son sillon à force de bosser. Inès Lagdiri-Nastasi, 28 ans, est l’une des nouvelles figures féminines du journalisme sportif français. A France Télévisions, elle commente le tennis, un sport qu’elle connaît très bien pour l’avoir pratiqué à un haut niveau avant d’être stoppée à l’âge de 15 ans en raison d’un écrasement discal. Rencontre avec la citoyenne de Metz.

Inès Lagdiri-Nastasi, le Luxembourg, ça convoque des souvenirs chez vous?

Ils sont liés au tennis. Je suis allée voir jouer Ugo en Coupe Davis. J’en garde deux souvenirs. Un malheureux lorsqu’il s’est fait une entorse en plein match contre Madagascar en 2015 et un plus heureux quand il a battu Casper Ruud (aujourd’hui n°3 mondial) en cinq sets.

Comment vous êtes-vous rencontrés?

J’avais 14 ans, lui 15. Nous étions aux Sports Etudes à Nîmes. On s’est connus en 2008 et on s’est mis ensemble en 2011.

Vous êtes l’une des voix de Roland-Garros à France Télévisions. La première féminine?

Oui. D’autres femmes ont commenté le tennis sur d’autres chaînes, mais ça se compte sur les doigts d’une main.

Alors qu’on en retrouve beaucoup dans d’autres sports qui bénéficient d’une couverture médiatique moins importante que le tennis féminin. N’est-ce pas paradoxal?

Si. Je ne me l’explique pas trop. Mais on a le sentiment qu’il y a de plus en plus de femmes dans le journalisme de sport parce qu’on en voit à l’antenne. C’est trompeur. A France Télévisions, on est 5 femmes sur 60 journalistes dans le service des sports.

L’ancien joueur de tennis franco-luxembourgeois Ugo Nastasi et son épouse, Inès Lagdiri-Nastasi

L’ancien joueur de tennis franco-luxembourgeois Ugo Nastasi et son épouse, Inès Lagdiri-Nastasi © PHOTO: privé

Les lignes bougent-elles tout de même?

Jamais assez vite. J’en suis la preuve. Ce fut un choix fort de mon service de me proposer les commentaires à Roland-Garros alors que je n’avais pas beaucoup d’expérience.

Avez-vous vu les mentalités évoluer dans un monde décrit comme machiste?

Je suis assez optimiste. La nouvelle génération est très au fait de ces thématiques. J’ai commencé à prendre conscience de mon genre quand je suis entrée dans le monde du travail. Je ne me suis jamais posé la question avant.

Il faut beaucoup bosser sans se laisser marcher sur les pieds.

Y a-t-il eu de la bienveillance de la part de l’ancienne génération?

Oui, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. J’espère que l’évolution que j’ai pu avoir vient de mon travail.

Vous avez arrêté votre carrière assez jeune mais vous avez acquis cet esprit de compétition. Cela facilite-t-il les choses quand on entre dans la vie professionnelle?

Clairement. Ce n’est pas un milieu facile. Il est concurrentiel. Il faut beaucoup bosser sans se laisser marcher sur les pieds. J’ai une capacité de travail assez importante et c’est dû en partie à mon passé de sportive. Très jeune, j’ai encaissé des charges de travail. C’était physique. Ce n’est pas la même chose mais ça donne une rigueur et une certaine autonomie que l’on ne perd jamais vraiment. Je ne suis jamais satisfaite, je recherche constamment quelque chose de plus.

Etes-vous une éponge qui absorbe tous les conseils ou plutôt une fonceuse qui s’écoute avant tout?

J’écoute beaucoup ce qu’on me dit. On n’a pas besoin de me dire les choses trois fois. Quand on me donne un conseil, j’essaie de l’appliquer. J’écoute ma hiérarchie. Je sais que j’ai encore plein de progrès à faire dans beaucoup de domaines.

Comment préparez-vous une rencontre?

Je n’échange pas avec les consultants avant un match. Chacun son rôle. Je connais bien le tennis et je n’ai pas qu’une approche journalistique mais le consultant a eu un niveau largement meilleur que le mien. Je lui laisse ce rôle d’analyste. Je vais amener l’une ou l’autre anecdote car je connais tel ou tel joueur parce que je l’ai suivi en reportage ou parce que l’entraîneur m’en a parlé. Je bosse ensuite les statistiques, les palmarès et les affrontements directs. C’est long à préparer un match. La période de Roland-Garros est chargée. Les journées sont éreintantes.

Discutez-vous souvent avec Ugo de votre activité professionnelle?

Je le saoule beaucoup parce que je lui parle sans cesse de mon travail. C’est une passion. Je n’ai pas l’impression de faire un travail car je m’amuse beaucoup. On regarde des matchs ensemble, on parle à haute voix, on échange. Je prends toujours ses remarques avec attention.

Vous laissez le jeu respirer et vous n’abreuvez pas les téléspectateurs de commentaires, c’est l’une de vos marques de fabrique, non?

Je regarde beaucoup de tennis à la télévision et je n’aime pas en tant que téléspectatrice entendre trop de commentaires. La règle de base, c’est de ne surtout pas parler pendant un point. Il faut trouver le juste milieu. Les gens qui regardent le tennis à Roland-Garros n’en consomment pas nécessairement toute l’année. Il faut pouvoir vulgariser la discipline pour ce public-là. Mais aussi penser aux passionnés qui ne veulent pas être abreuvés. Ce n’est pas parce qu’on a noté plein de choses sur nos fiches qu’il faut absolument tout dire.

Pour bien commenter le tennis, il faut de l’expérience.

Le secret pour bien commenter un match, c’est de trouver son style personnel? Surtout ne s’inspirer de personne?

Je ne pense pas que ce soit une bonne solution de copier quelqu’un même si on aime son style. C’est instinctif. Jouer un rôle pendant 15 jours, c’est compliqué. Je n’ai pas une personnalité très expansive. Je ne vais pas partir dans les tours, dans des envolées lyriques. Peut-être que mon ton est un peu trop lisse mais je n’ai pas encore une grande expérience. J’ai commenté trois fois Roland-Garros dont une fois sur le numérique. Pour bien commenter le tennis, il faut de l’expérience.

Justine Henin était votre idole? Quel effet ça fait de travailler à ses côtés?

La première fois que je suis rentrée dans la cabine et que j’ai vu Justine, ça m’a fait quelque chose. J’étais un peu timide. Quand j’étais petite, elle gagnait Roland-Garros. J’avais des posters d’elle. C’est une sorte d’accomplissement d’en arriver là même si je n’avais jamais rêvé de commenter le tennis.

Lire aussi :So ehrlich war Gilles Muller noch nie

Vous habitez à Metz. Comment conciliez-vous vie privée et activité professionnelle?

Je fais des aller-retour Metz-Paris. Ugo veut continuer à travailler au Luxembourg. Il se plaît bien au TC Esch où il donne des cours. Sa famille habite dans la région. Et moi, je ne veux pas changer de travail. Donc on fonctionne comme ça.

Vous avez été première dauphine de Miss Île-de-France. C’était un rêve de jeune fille?

Pas du tout. Un pur hasard. J’étais dans la rue à Paris. Quelqu’un m’a donné un coupon pour passer le casting et j’y suis allée sans arrière-pensée.

Que peut-on vous souhaiter pour 2023?

Je ferai Roland-Garros, c’est sûr. L’été sera chargé avec les Jeux Européens et les Championnats du monde d’athlétisme. Je ne sais pas encore ce que je ferai mais je ne vais pas m’ennuyer.

Sur le même sujet

Sur le même sujet